samedi 15 mai 2021

Marc PESNOT porte le melon

 Décavaillonnage, lies, table de cuisine, racines, noiriens, jeunes, malolactique, patience, origines, comprendre, roches, deux passages, 30 ans, transmettre, gouais, flavones, gelée.

Tous ces mots résonnent dans ma tête depuis que je suis passé voir Marc PESNOT il y a 3 semaines. 

A mon arrivée il est sur un tracteur au milieu d'une vigne d'un peu plus de deux ans, juste à coté de la cave. Je le rejoins et nous commençons à échanger sur le décavaillonnage qu'il est en train d'effectuer, les racines de sa vigne qu'il imagine descendre en profondeur pour "attaquer" la roche et y puiser toute sa force. La roche qui compose principalement les 20 hectares du domaine c'est du schiste sous toutes ses formes en rouge, brun, bleu, beige ou incrusté de micas. Et puis il y a aussi des parcelles avec du gneiss et des argiles au plus profond. 

Le cépage roi du domaine est le melon de Bourgogne mais on trouve aussi un peu de folle blanche. La réflexion de Marc sur le melon de Bourgogne va loin, jusqu'à sa famille d'appartenance, les noiriens, jusqu'à l'ADN qui est dans la sève de ses pieds de vigne, celle d'un "ancêtre", le gouais, A l'origine, c'est en fait le croisement du pinot noir et du gouais blanc qui donne aujourd'hui le cépage prinicipal de sa région. On sent un brun de lassitude dans la voie de Marc lorsqu'il avoue avoir mis presque trente ans pour complétement comprendre ce cépage et pouvoir en tirer la quintessence afin de faire autre chose que du muscadet. En même temps c'est une petite révolution les vins de Marc dans le pays Nantais et je pense qu'il faudra peut être autant de temps à cette appellation pour qu'elle mesure la portée de la démarche aboutie de ce vigneron si particulier. S'il est autant attaché à cette terre et ce cépage c'est parce qu'il est né à 50 mètres du domaine, sur la table de la cuisine comme il dit.  Et finalement lui aussi a dû puiser sa force dans cette terre mère pour mener à bien cette longue démarche faite d'observation et de patience. Les gels du mois d'avril ont touché quasiment toutes ses vignes et les 35htl/ht ne seront pas là cette année. Les "seconds" bourgeons qui donneront beaucoup moins de raisin devraient permettre d'avoisiner les …5hl/ht et il faudra faire avec, rester philosophe. Marc est un vigneron qui peut se revendiquer nature car il n'y a pas de produits chimiques mais que des préparations naturelles à la vigne comme au chais.

Il a conscience, comme beaucoup, que c'est à la vigne que le vin se fait car après il laisse faire, tout en douceur. Pour les vendanges, il y a souvent deux passages par parcelle afin de cueillir le raisin mûr. Et ensuite c'est un pressurage très lent. La libération des flavones et de toutes les molécules aromatiques se fait en douceur sur 18 heures, afin de presque laisser "faner" les raisins, comme lorsque l'on veut extraire le meilleur des arômes d'une fleur qui sont décuplés lorsque celle-ci a légèrement fané. Et puis c'est toujours la patience qui dicte sa loi pour arriver sur une fermentation malolactique voulue afin de réduire l'acidité et révéler toute la palette aromatique que la sève du pied de vigne a pu aller chercher dans la roche. La sagesse du temps avec un élevage sur lies tout en longueur…

Après avoir gouté 5 ou 6 cuves de melon de bourgogne qui venaient à chaque fois d'une parcelle différente, on se rend bien compte que le cépage s'efface pour laisser toute la place au terroir. Ces jus portent aussi en eux la sagesse et la bienveillance du vigneron qui les a accompagnés pour les faire naitre, souvent de belles rondeurs, parfois l'impression d'avoir la sève de la vigne qui coule en vous…


J'ai ouvert Miss Terre 2019 la semaine dernière et sa bouche déliée et élancée vous enrobe tout le palais sur un long moment pour finir par vous transpercer, comme si les racines de la vigne rentraient en vous, par le ventre, et vous emmenaient avec elle dans le sol, vers sa source…

Hier c'est la bohème 2019 qui était sur ma table. Les senteurs de pomme, citron confit et fleurs d'acacia sont très présentes à l'ouverture. Une superbe pointe d'amertume très fine se melange au citron confit sur une bouche très très légèrement perlante. La fraîcheur et les arômes qui restent longuement sur ma langue finissent par révéler une agréable petite acidité et une légère pointe saline qui me fait saliver et me donne beaucoup de plaisir. Cette caresse de bienveillance, de douceur, avec la profondeur et des senteurs qui finissent par vous envahir, c'est un grand Bonheur. Le seul problème, c'est que la bouteille descend toute seule et beaucoup, beaucoup trop vite. Vive les magnums !!!

Voilà, encore une belle visite chez un vigneron passionnant qui commence à transmettre aux jeunes le savoir acquis tout au long de la démarche qu'il a effectuée autour de ce cépage et de sa terre, sans pour autant prétendre détenir la vérité, en toute modestie. Il n'a pas de chapeau melon Marc et n'aura jamais le melon non plus, vous pouvez me croire, mais il porte le melon de Bourgogne en haut, tout en haut, là où pas grand monde ne l'avait imaginé. 


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